Les gens et le racisme, un problème d’égo

On en parlait avec @mrsxroots, et ça m’a donné envie de faire un court post dessus (du moins, je vais essayer de faire court).

Les gens ont un problème avec le racisme. Déjà, ils ont un problème de définition. Et de ce problème de définition, ils ont face à celui-ci une attitude manichéenne, où il y aurait d’un côté les vilains racistes méchants pas-beaux, comme ces gens du FN (Bouuuh!) et de l’autre, les gentils gens tous antiracistes qui voient pas les couleurs et qui ont des amis noirs d’abord (ou qui sont eux-même noirs!). Et quand vous dites à quelqu’un qu’il est raciste, voilà ce qu’il comprend : « Quoi!? Tu veux dire que je suis comme ces vilains gens du FN pas gentils, pas beaux??? »

Ceci est un problème, et fait tourner toute la conversation autour d’un problème d’ego (le votre, d’égo). Quand on vous dit que vous êtes raciste, cela veut dire :

  1. Que vous êtes en train d’être raciste, là, tout de suite, maintenant, par votre propos ou acte immédiat. Donc n’en faites pas une généralité immuable. Un peu la même chose que lorsqu’on vous dira que vous êtes méchant, parce que vous venez juste d’insulter quelqu’un qui vous a rien fait de « Grosse merde ».
  2. Que votre acte ou propos soutient l’injustice du système, lorsqu’il s’agit de représentations mentales au sujet de la race, qui maintient les personnes non-blanches en position d’infériorité, en leur refusant une humanité qui serait l’apanage des personnes blanches.

Ça n’a rien à voir avec vous personnellement. Par contre, quand vous persistez dans une attitude égoïste où votre ressenti doit être l’essentiel de la conversation, oui ça devient personnel. « Raciste » n’est pas d’abord une insulte, mais surtout un qualificatif qui permet de dénoncer l’oppression.

Ainsi, vous persistez à utiliser le mot « nègre » en tant que blanc? Vous êtes raciste, parce que vous vous placez dans la logique du système où ce mot servait aux blancs à dénigrer et déshumaniser les noirs. Et l’utiliser dans une expression comme « tête de nègre » ne rend pas ça moins raciste, au contraire même (l’image d’une tête de nègre littéralement en tant que bien consommable? For real?).

Ce qui est assez paradoxal lorsqu’on pense au racisme, c’est qu’il évoque en même temps des tords d’une atrocité insoutenable comme la traite négrière ou la Shoah, mais qu’il est banalisé à longueur de journée lorsqu’il ne prend une ampleur aussi phénoménale que les deux exemples précédents. Le mot « racisme » est utilisé partout comme synonyme de « discrimination sur un critère quelconque, trouvée super injuste et insoutenable » par la pensée suprématiste blanche, ce qui a l’étrange impact de faire du mot « racisme » en même temps la référence en matière d’injustice sociale et un mot trop fort, qu’il ne faudrait pas trop utiliser tellement le qualificatif semble horrible.

Ce qui est juste parfait pour faire perdurer le racisme : on noie complètement sa définition (donc on ne peut plus nommer le système), et en plus, on en fait un tabou terrible. Je préfèrerais que les gens se concentrent plus sur les faits qu’entrainent leurs propos et actes, que l’éventuel ressenti face au mot utilisé pour décrire ceux-ci. Ainsi, peut-être comprendraient-ils mieux l’utilisation de ce dernier…

22 thoughts on “Les gens et le racisme, un problème d’égo

  1. Quand vient fatalement le moment où j’essaye de dénoncer le machisme ou le racisme de certains dans mon travail, tout le monde (parce que personne n’est raciste ou sexiste – tout le monde il est beau il est gentil) évoque effectivement la difficulté d’avoir à faire face à des fous furieux gros machos et racistes qui débitent des insanités à longueur de journée et en plus mangent sûrement des chatons, et de tout le monde de se dire que c’est terrible et qu’il faut lutter contre ça, j’entends surtout un moyen de s’autocongratuler que le macho-raciste-tueur-de-chaton-et-qui-l’avoue c’est l’autre, personnage si caricaturale qu’il n’existe quasiment plus, donc au fond problème réglé.
    Et là je réagis en disant « mouais enfin ceux là on les voit venir, non ce qui est dur c’est ceux qui ne s’en rendent pas compte, par exemple moi je suis sure que je dois dire des trucs racistes et sexistes sans m’en rendre compte (là mes interlocuteurs palissent car je viens d’avouer être raciste), on le fait tous on a tous été éduqué dans une société où les clichés inconscients sont encore prégnants (là mes interlocuteurs déglutissent et hochent la tête en signe d’acquiescement, ils ne peuvent rien dire puisque je me suis incluse dans le lot). »
    En espérant que cela les fassent réfléchir.

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  3. Que vous prétendiez que cela soit un problème d’égo quand il n’en est rien ou pas, militant-e-s(ou celleux qui tiennent des discours similaires) sachez le : les valides comme les invalides, vous êtes tous des connasses et des connards.

    Deal with it. Nombre de personnes non valides ayant intégré les discours les plus pourris, je les range donc de facto dans le même sac. Certains militant-e-s osent la ramener sur le handicap parfois, c’est juste a hurler, mais même quand ielles ne la ramènent pas sur le handicap, ce qu’ielles expriment est a hurler, ce sont des putains de privilégié-e-s de merde qui disent à d’autres, que ce sont eux les privilégiés, notamment les hommes, et vas-y que je dégueule jusqu’à la nausée toute sorte d’argumentaire pourtant tout à fait légitimes à la base, mais qui, détournés de leur fonctions d’origines, sont mis au profits de personnes immatures ne souhaitant qu’une chose, établir leur domination morale afin par exemple, de pouvoir envoyer chier qui bon leur semble, de pouvoir, déféquer textuellement, en permanence, leur(s) haine(s), la « fausse féministe » par exemple, celle qui selon nos cas psychiatriques en puissance, péterait dans la soie et n’aurait que des problèmes de manucure, ou le pauvre petit nice-guy hétéro-cis-blanc, victime des féminazis parce qu’il commet le crime de lèse-majesté de ne pas être tout à fait d’accord avec nos « militant-e-s », (même si le mot « tyrans » paraît plus adapté souvent :-S)…

    Bref, ce comportement étant la norme chez nombre de « militant-e-s » comme chez nombre d’êtres humains d’une manière générale, ca ne changera probablement jamais. Et c’est quelque chose que la grosse majorité a nié, nie, et niera probablement jusqu’à leur mort, le déni étant plus confortable, c’est dur a constater, surtout que nombre de ces militant-e-s n’hésitent jamais a insulter autrui autour justement, de son petit confort et de son déni. Aucune pudeur et même parfois j’ai envie de dire : aucune limite. (ce texte n’appelle aucune réponse, c’est juste une invitation aussi polie qu’il est possible(face à l’ultra-violence permanente des valides ne pas les buter relèvent de l’héroïsme quotidien alors rester « poli » relève de l’auto-mutilation) a juste lire, car personne je dis bien personne n’est légitime pour y répondre).

  4. Ping: Ce que fait la culture du viol | ... dorment furieusement

  5. Déjà merci pour ton travail,il fait beaucoup réfléchir la blanche que je suis.

    Ensuite, pour revenir sur le problème d’ego dont tu parles, je suis en train de faire un « travail » sur moi-même pour me sortir d’une maladie mentale, et je suis tombée sur l’article d’un praticien en psychothérapie qui expliquait la différence entre l’ego et l’amour de soi. Voici ce que j’en ai compris:

    Quand on s’aime soi-même, on accepte tout ce qui nous compose, y compris (et surtout) notre ignorance sur un tas de sujets, et même dans les sujets qu’on connaît plutôt bien. S’aimer, c’est aussi être honnête avec soi-même. Ainsi, quelqu’un qui s’aime pleinement acceptera qu’on lui dise qu’il vient de blesser quelqu’un ou de faire quelque chose de mal, parce qu’il comprendra que ceci est dû à son ignorance et que ça ne fait pas de lui quelqu’un de foncièrement mauvais. Il pourra même en profiter pour apprendre quelque chose.

    Tandis que quelqu’un qui ne s’aime pas vraiment développe un ego pour trouver un équilibre, va chercher à se rassurer sur le monde qui l’entoure en prétendant le connaître, et se sentira personnellement visé si on lui dit que ses connaissances sont biaisées; c’est pourquoi il aura tendance à faire preuve de mauvaise foi.

    Je te mets le lien du site (je suis malade depuis que je suis petite, du coup des conneries dites par des psys j’en ai lues/entendues un paquet, mais son travail à lui j’ai l’impression qu’il « m’aide à voir la lumière » ^^ alors je partage):

    http://www.maieusthesie.com/

  6. Ping: Les gens et le racisme, un problème d'&e...

  7. A reblogué ceci sur Surfeuse de la lifeet a ajouté:
    Tellement vrai… Le pire, c’est quand tu as des amis que t’aiment bien qui te disent qu’ils ne connaissent pas de racistes alors qu’eux meme le sont souvent… Oui, j’ai des amis racistes, j’ai pas le choix, sinon j’ai pas d’amis « normaux », genre blancs…

    • Post scriptum :
      Intéressant également, le développement de Magali Bessone sur le “racisme institutionnel”, page 160 de son “Sans distinction de race ? une analyse critique du concept de race et de ses effets pratiques” (Vrin, 2013, http://goo.gl/MHRcOa).
      On y retrouve la nécessité de “dé-psychologiser” et de “désindividualiser” la question raciste pour mettre à jour, “avant tout”, la correspondance du racisme (je cite) « à un système de contrôle social, d’organisation des inégalités économiques et à une structure de domination politique. »

  8. A reblogué ceci sur Mrs. Rootset a ajouté:
    Un bonne réflexion à l’issue d’une discussion avec Ms Dreydful sur cette tendance à faire du racisme une affaire d’égo offensé qui nie le système des oppressions et enrichit l’idée que le racisme est tabou. A cet article, j’ajouterai seulement qu’à réduire sa réaction « je ne le suis pas » et non une seule fois à un « pourquoi tu dis ça ? ».

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